Neuf heures du matin. Après un bon gros tour de cadran, je me réveille, frais et dispo.
Le décalage horaire, en fait, c’est une vraie connerie. Rapide inspection des lieux : le tendre nuage molletonné sur lequel je me suis endormi hier n’est pas vraiment un cinq étoiles, finalement. Sur le matelas d’à côté, Fab’ dort à poings fermés. Étrange, étant donné le nombre de coups de pieds que je lui ai filé cette nuit pour qu’elle arrête de gigoter dans tous les sens et s’étaler sur mon matelas. Blan et Ben semblent également dormir encore. Qu’à cela ne tienne, j’ai bien dormi et il est l’heure du petit dej’. Je m’habille discrètement et descend dans le salon. L’odeur acre du tabac m’agresse dès que sors de la chambre et se fait plus intense à chaque marche d’escalier. C’est vrai qu’à part la bière, il n’y avait pas spécialement d’alcool hier, surtout tabac et cannabis.
Dans le salon seul Rex, le coloc’ maori, est debout et déjà en train de fumer. Respect. N’osant pas trop me servir dans le frigo et les placards de peur de piquer la bouffe d’un coloc (et parce que leur frigo fait un peu peur), je décide d’attendre les autres avec une tranche de pain de mie et envoie des mails au pays. Je me rappelle alors de la super nouvelle que m’avait balancé Blan à l’arrivée : le coloc qui doit emménager chez Marlène et moi en août s’est désisté pendant que j’étais dans l’avion. Rex étant d’un naturel généreux, je ne m’inquiète rapidement plus du tout et répond à Marlène : il ne lui reste plus qu’à trouver quelqu’un de cool dans les trois jours qui la sépare de son départ en Nouvelle-Zélande, je lui fait confiance.
La tribu finit par se lever et après un petit-déjeuner quasi-français on décide d’aller faire la visite d’Auckland. L’appart’ est à coté du centre-ville, ce qui nous permet de partir à pied directement, plutôt pratique.
Après avoir bien gambadés, nous retournons à l’appartement, les jambes en compote. Que retenir de cette visite ? La Sky Tower fait à peu près la même taille que la Tour Eiffel, et les Néo-Zélandais en sont très fier. Il est aussi possible d’y monter, moyennant quelques dollars, pour faire des activités aériennes genre se balader sur la collerette ou faire du saut à l’élastique. Cela dit, le saut à l’élastique n’en est plus vraiment, les gens sont soutenus par une corde du début à la fin de la chute pour éviter qu’ils aient trop peur et crient, sinon le centre-ville se rempli de braillement de touristes évoquant à longueur de journée la délicatesse du porc égorgé, ce qui – il faut le reconnaître – fait un peu tache. À part ça, Auckland a une saloperie de climat océanique et l’alternance pluie/soleil y est aussi fréquente que le viol d’enfants en Thaïlande. C’est peut-être fun en été, nettement moins en hiver (le temps, hein, pas les gosses). Et la ville est vraiment remplie d’asiatiques, c’est assez impressionnant quand on a pas l’habitude : l’immigration depuis l’Asie est très forte en raison des meilleures conditions de travail et de fait la culture asiatique est très présente, ce qui, lorsqu’on mélange ça avec la culture anglaise et ce qui reste de celle Maori, donne quelque chose d’original. Une dernière chose : en Nouvelle-Zélande, tout bâtiment accueillant du public est tenu de laisser l’accès à ses toilettes ouverts, sans le réserver à la clientèle ou aux usagers. Une loi que certaines se sont empressé de faire appliquer.
Bref, on se pose un peu à l’appartement pour se remettre de nos émotions : ce soir, Blan nous emmène dans un fast-food.
Blan, la diététicienne; Blan, celle qui mange toujours bien; Blan, qu’on a jamais réussi à traîner dans un Quick… Cette Blan là veut nous amener dans un fast-food, paye ta surprise ! Et en prime, ça s’appelle Burger Fuel, ce qui ne sonne pas des plus sain et équilibré. Nous voilà donc (après nous être trompé une fois de fast-food) attablés dans une ambiance garage/chic/fast-food assez déroutante, de bons gros burgers gras et dégoulinants en face de nous. Malgré des prix élevés, l’absence de menu et une carte remplie de burgers un poil trop conceptuels pour moi, le sandwich est délicieux et le restaurant satisfaisant. En prime les burgers sont servis avec un petit carton pour les tenir quand on les mange, ce qui les empêche de ressembler à un meuble Ikea mal monté au bout de deux bouchées : élu innovation majeure du XXIème siècle, à l’unanimité. Le ventre plein et les doigts gras, nous empruntons le bus pour remonter Queen Street et retrouver l’appartement, les bières et le pastis importé pour l’occasion. Ben étant malade et fatigué, on finit par faire une contrée/pastis avec César (leur coloc indien, un petit rigolo), Blan et Fab’. Jouer aux cartes en anglais, c’est toute une aventure : pas facile d’intégrer le changement de termes pour pique/cœur/carreau/trèfle, surtout après quelques verres… Ça finit par me valoir quelques parties complètement foirées. Qu’à cela ne tienne, il faut maintenant retenir la prononciation de « ace » que l’on a tendance à dire « as », comme en français. Tout à coup, la phrase « Put your ace on the table » prend un tout autre sens : le franglais est décidément une langue plein de surprises.