On est le 10 janvier, c’est l’été malgré un temps assez pluvieux et froid, ça fait une grosse semaine que je suis dans l’île du sud et l’insouciance n’aura que guère duré. Ma voiture a une fuite monstrueuse et le prix des réparations est exorbitant. Espérant y trouver des réparations moins longues et un logement gratuit, j’annule mes plans de voyage des semaines à venir et me dirige vers Christchurch.
Descente aux enfers
Déprimant toujours fortement à cause du manque de sommeil et de l’emmerde conséquente qui vient de me tomber sur le coin de la gueule, je passe quelques heures à errer dans Blenheim et en profite pour acheter le nécessaire pour le voyage : un bidon de liquide de direction assistée, un peu de bouffe, de l’aloe vera (parce que quand il fait pas moche le soleil tape fort) et un matelas gonflable. Oui parce que comme les emmerdes se déplacent toujours en groupe, mon matelas a crevé y a deux jours. Je marche 10 minutes sur le début d’une rando au dessus de la ville que je n’aurai pas l’occasion de faire par manque de temps, avale un pique-nique et attaque la route. Celle-ci traverse les hauteurs à l’est de Blenheim qui sont splendides et je regrette de ne pouvoir m’y attarder. Comme je suis quand même pas mal crevé, je m’arrête au bout de deux heures à un camping pas trop cher et plutôt confortable. Je profite d’une douche chaude pour deux dollars, ce qui après une semaine pluvieuse de douches froides fut un plaisir hautement délectable, et marche le long de la plage en regardant la pluie arriver.
Le lendemain je finis la route jusqu’à Christchurch avec un stop à Kaikōura, méga spot de surf et de croisières super chères pour voir des dauphins et des baleines. Il fait hyper moche, je marche 5 minutes, il se met à pleuvoir et je reviens tellement trempé que je dois changer de fringues. Je reprends la route. Plusieurs heures d’ennui mortel de conduite plus tard, j’arrive à Christchurch. C’est la fin d’après-midi, je me dépêche d’aller dans un garage pour demander un rendez-vous en prenant soin de leur donner le diagnostic fait à Blenheim. J’en trouve un qui peut me prendre dans 5 jours et estime deux-trois jours de réparations pour un tarif de 1300-1400 dollars. Banco, le rendez-vous est pris.
Je roule plus au sud en direction du district de Selwyn qui est le seul du coin à proposer des campsites gratuits (et super bien équipés). L’étape suivante est de trouver un house sitting dans le coin, surtout pendant le temps des réparations, pour ne pas à avoir à rajouter le prix d’un logement sur Christchurch. D’autant plus que les prix y sont indécents : autour de 50 dollars la nuit dans un dortoir de 6-8.
La lumière au bout du tunnel
South New Brighton
Ma chance tourne, le temps redevient chaud et ensoleillé et je trouve deux sits de quelques jours, dont un pile pendant la semaine des réparations. Le premier est dans une banlieue de Christchurch nommée South New Brighton. J’y garde Frida, une chienne de 10 ans, pendant trois jours. Le confort d’une maison m’avait manqué et je passe quatre excellents jours en compagnie de Frida qui est un vrai amour. J’explore la banlieue en promenant la chienne, c’est plutôt mignon, entre l’océan et l’embouchure de la rivière. La plage est immense et il y a une jetée énorme au centre de South New Brighton. Pas de bol, l’autre sit est annulé et je me retrouve à réserver un backpack hors de prix à Christchurch le temps des réparations.
Christchurch
J’arrive à trouver un backpack pas trop cher (mais quand même) un peu loin du centre. Je pose ma voiture au garage le mardi 17 janvier, le garagiste se veut rassurant à ce moment là. Il me rappelle une heure plus tard : c’est bien pire que ce qu’il avait imaginé, ça coûtera autour de 2000 dollars et il va faire de son mieux pour finir d’ici le vendredi. J’ai donc bien quatre jours pour visiter la ville et faire le deuil de 700 dollars supplémentaires.
Christchurch est une ville à l’histoire vraiment très particulière. Anciennement troisième plus grande ville d’Aotearoa NZ, un tremblement de terre massif l’a totalement démolie en 2011, laissant des séquelles assez lourdes. Le centre ville est encore en reconstruction et on y trouve des bâtiments flambant neufs à côté de friches, les prix ont explosé rendant le centre inaccessible pour les locaux qui vivent désormais tous en banlieue. Ça donne un lieu à l’ambiance mi-touristique mi-désertique, très peu vivant à part dans un ou deux endroits très denses comme le Riverside Market, et une présence marqué de très grosses enseignes sans vraiment de petits commerces locaux, donnant un aspect centre commercial européen. Une expérience plutôt troublante. Pour autant, la ville a clairement un potentiel énorme dont j’ai l’impression de passer à côté, et plusieurs petites pépites : un immense jardin botanique absolument splendide, une rivière magnifique dont les bords sont excellemment aménagés, quelques restes d’architecture qui ont survécu au tremblement de terre, des concerts gratuits un peu partout pour fêter l’été, et puis THE concept ultime : le dance-o-mat. Une machine à laver recyclée en jukebox bluetooth, posée sur une place bordée d’enceintes et de lumières qui se transforme ainsi en dancefloor. Insérer 2$ dans la machine et c’est parti pour 30 minutes de fun !
Mount Vernon
Christchurch est terriblement plate, pour un amoureux des reliefs comme moi ça en est carrément stressant. Les seules collines sont tout au sud de la ville, bien loin de mon backpacker qui est évidemment au nord. N’y tenant plus, je décide un jour d’aller au sommet de l’une d’entre elles, le Mount Vernon. Il me faudra presque autant de temps pour traverser la ville et ses banlieues sud que pour monter au sommet. La vue de l’autre côté sur la Governor’s Bay est cependant une magnifique récompense.
Pendant ces quelques jours, je croise Denis et Ondine qui passaient à Christchurch après une semaine de woofing dans la Banks Peninsula à l’est de la ville. On en profite pour boire une bière ensemble avant qu’ils reprennent la route. Le lendemain je retrouve Timon et Damien qui ont tracé sur Christchurch après avoir fini l’Abel Tasman et la visite de Nelson, pour qu’on reprenne la route ensemble une fois ma voiture réparée. Je récupère cette dernière le vendredi comme prévu, me déleste de 2000$ comme prévu, et nous embarquons dans mon bolide désormais baptisé Gouffric avec mes deux compères, en direction de la Banks Peninsula et du village d’Akaroa.
Au bout du bout
Après quelques courses et la réservation d’un campsite pour le week-end, nous roulons la grosse heure qui nous sépare de la péninsule. La route comme le lieu est splendide. Sur place, on fait quelques petites marches comme la Ōnawe Peninsula et une colline alentour sans vraiment de nom. Le lendemain nous visitons le village d’Akaroa, réputé pour être d’origine française. Il s’avère qu’à part quelques drapeaux français et des noms de rues tels que « Rue Jolie », il n’y pas grand-chose qui rappelle le pays. On mange un fish&chips plutôt bon et visite le musée qui s’avère être très intéressant. On y apprend justement que le village a été fondé par des français espérant coloniser le pays, mais qui se sont fait grillés par les anglais arrivés plus tôt sur l’île nord et ayant signé le traité de Waitangi avec les Maoris, faisant des deux îles nord et sud des colonies anglaises. Les pionnières et pionniers français sont restés un moment à Akaroa mais il ne reste aujourd’hui plus aucun véritable vestige de leur existence, à part la maison du fondateur (quand même recréée après sa démolition au XIXe siècle). Les racines françaises du village ne sont en réalité mises en avant que bien après la disparition de toute trace de notre culture, et ce à des fins uniquement touristiques. Ça a d’ailleurs porté préjudice deux fois, lors de l’attaque du Rainbow Warrior et lors des essais nucléaires français dans le pacifique, où les franchouillards se sont tapés une réputation pourrave en Aotearoa pendant plusieurs années à chaque fois poussant Akaroa à faire profil bas sur leur « Frenchness ». Comme on semble se tenir à carreau depuis une quinzaine d’années, la mayonnaise commence à prendre à nouveau et des français et françaises devenues résidentes en Aotearoa viennent même s’installer à Akaroa.
Retourouvailles
Après la Banks Peninsula, on revient dans les terres et s’arrête une nuit à Christchurch car Quentin et Romario y passent à ce moment là, ainsi que Catriona avec une pote à elle. On réserve une nuit hors de prix dans un backpack en centre-ville pour aller boire des coups tous ensemble. Je profite de l’occasion pour visiter la cathédrale de remplacement faite avec des tubes en cartons. Ça casse pas trois pattes à un canard.
On erre ensuite dans la ville en recherche désespérée de bars ouverts un lundi soir : Christchurch, c’est vraiment mort ! On fini par trouver un endroit sympa qui sert des VRAIES pintes, incroyable, 570ml ! On rejoint ensuite Cat et sa pote dans un autre bar avec plein de billards. La soirée est sympa et c’est super agréable de recroiser les copains copines. Le lendemain, tout le monde repart de son côté : Quentin et Romario vont vers le nord à Kaikōura, Catriona vers l’est à Akaroa et nous vers l’ouest en direction du Lac Tekapo.